Réparer la montagne, l’expédition du cœur de la Ni

Dans le principe de nos actions, « réparer » la nature n’est pas véritablement mot juste : nous cherchons plutôt à accompagner la dynamique naturelle, en agissant de la bonne façon et au bon endroit, avec nos connaissances, avec le savoir et la méthode scientifique, mais aussi les savoirs faire de tous, pour accélérer le retour de la vie sur les lieux endommagés par l’homme. Suite à ces interventions il faut laisser agir le temps, pour qu’un jour les êtres vivants occupent de nouveau tout cet espace.

Rhacodactylus auriculatus, le Gecko géant à tête bossue. Piste de la Ni (c) Nicolas Rinck

Il s’agit d’œuvrer pour une eau abondante, pour un air de qualité, pour un climat plus stable, un peu égoïstement, pour notre bénéfice. Mais l’on peut aussi considérer que réaliser ces actions c’est aussi se donner la chance de continuer de côtoyer des être vivants uniques, étonnants, qui nous sont proches, en leur rendant leur place légitime. Ils continueront ainsi de nous émerveiller de leur présence.

Crepidium taurinum, Orchidée terrestre, encore mal connue. (c) Damien Brouste

Que ce soit pour ces motifs, ou simplement pour le défi sportif et humain, 28 valeureux bénévoles ont répondus à l’appel d’XGraines pour se lancer le 14 janvier dernier dans une aventure de 3 jours sur un site dégradé oublié de tous : la piste de la Ni, au site de l’ancienne exploitation forestière dit « Scierie Matthieu » ou « Scierie Barbou » au milieu de la chaîne, à 1000 mètres d’altitude, après 2h de piste 4×4 et plus de 3h de marche.

La vallée de la Ni, le Mont Kouakoué visible au loin. Parc de la Côte Oubliée. (c) Nicolas Rinck

C’est le long de cette piste que se trouvent 40 hectares de sites naturels dégradés, où la forêt et le maquis d’altitude ont été remplacés par des sols rouges, que la pluie continue d’éroder aujourd’hui 35 ans après l’arrêt de l’exploitation et l’incendie de la forêt. Depuis lors, ces milieux naturels sont « bloqués » : les espèces végétales, même les robustes « pionnières », peinent à reprendre possession du site.

Le campement de la Ni, site du projet, avec des traces de l’ancienne activité d’exploitation forestière.

C’est sur cette zone isolée, inaccessible par les moyens conventionnels, que nous avons commencé des opérations de restauration des sites dégradés, notamment avec la technique des Bombes de graines mise au point par l’association, solution qui a l’avantage d’être légère, mobile et ne nécessite que peu de matériel pour la mise en œuvre, ainsi il n’est pas nécessaire de ré-ouvrir cette piste à la circulation.

Forêt et zones dégradées du projet « Coeur de la Ni », avec 0,8 hectares de semis de bombes de graines et d’ouvrages de gestion des eaux, mis en place entre le 14 et le 16 janvier 2023.

En complément des bombes de graines, nous avons réalisé des petits ouvrages de gestion des eaux, notamment des « Fascines » qui permettent de freiner l’érosion, de retenir la terre, pour faciliter la reprise de la végétation.

Fascines et seuils avec des branchages, des pierres et de vieilles tôles récupérées dans les débris présents sur le site.
55 000 bombes de graines ont été implantées sur le site lors de ces 3 jours, avec des semences de 9 espèces endémiques choisies pour leur adaptation à l’écologie de ce site particulier.
Tout le matériel a été apporté sur place à pied par les bénévoles, plus de 100 Kg au total en plus des équipement de camping.
L’exploitation forestière du siècle passé a décimé les arbres géants des forêts des monts Dzumac et Kouakoué.
De gauche à droite Nicolas Rinck (membre fondateur d’XGraines et organisateur de l’opération), Morgan Kucharzewski (président d’XGraines), Tristan Allignol (chargé de projets pour XGraines), Théodore Rinck, et Vincent Grisonnet (Bénévoles), lors du geste coutumier.
Pierre Welepa (deuxième à droite) adressant un geste coutumier, un acte de respect du lieu et pour rappeler les liens qui unissent, la terre, les hommes, un moment fort.

La zone dépend des districts coutumiers de Borendy et d’Unia qui ont été prévenus de cette opération, et même si les clans Kanak gardiens du site n’étaient pas présents, le geste coutumier permet de partager l’histoire et le sens de nos actions. Lors d’une prochaine occasion nous auront peut être le plaisir de revenir sur ces lieux avec des représentants des clans concernés.

Ici existait au siècle passé une forêt millénaire avec de nombreuses espèces uniques, dont certaines aujourd’hui ont probablement disparues
Myodocarpus fraxinifolius, qui fait partie des espèces endémiques adaptées qui ont été semées sur ce site.

XGraines remercie l’ensemble des bénévoles volontaires ayant contribué à ce premier essai de restauration écologique du « Cœur de la Ni ». Merci à Maud, Mathieu, Lucie, Jacques, David, Damien, Benjamin, Roman, Alejandra, Théodore, Morgan, Tristan, Vincent G et M, Marek, Nathan, Emilie, Mattias, Aurelie, Antoine, Laurence et Matthieu T.

Remerciements également à l’association Dumbéa Rivière Vivante, présents avec nous avec Brunelle Gasse sa présidente et Pierre Welepa. L’association Noé était également présente avec la contribution et l’expertise d’Emilie Ducouret. Et spéciale dédicace également à Jean-Luc (si on le retrouve).

La Fondation Brun finance cette opération.

Cette opération a aussi été rendue possible grâce au soutien de l’Office Français de la Biodiversité, au travers de l’appel à projet MobBiodiv2020 car ce site de revégétalisation participe à notre réseau de parcelles d’expérimentation de la méthode des bombes de graines. Il permet notamment d’ajouter ces écosystèmes d’altitude, très particuliers, au panel de situations pour le suivi de la dynamique de restauration écologique.

Malgré ces appuis précieux il nous faudra encore trouver des moyens complémentaires afin notamment de pouvoir continuer à collecter et produire des bombes de graines en quantités suffisantes, et organiser ces expéditions. Si vous avez du temps à consacrer à ces actions pour y participer, ou bien des moyens financiers, ou même en nature (le prêt d’un local pour notre atelier de Nouméa par exemple), contactez nous à xgraines@gmail.com ou tel +687 72 43 40.

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